Festival Planeta Terra, Campo de Marte
Lieu: Sao Paulo, Brésil
Date: 09/11/2013
Texte et photos par Eric D. Merci beaucoup Eric!
« Ne jamais dire jamais, bien entendu... A peine me suis-je promis d'arrêter les festivals que me voici, en ce samedi chaud et ensoleillé d'un printemps paulistano pourtant glacial et pluvieux, devant la scène Terra du Festival éponyme, à attendre Travis et Lana del Rey, et même Blur, si je tiens jusque là... Arrivé à 14h45, je réussis malgré la foule déjà massée à atteindre la barrière, à gauche, derrière une petite zone de sécurité qui devrait me garantir une bonne visibilité. Maintenant il ne reste plus qu'à patienter ! J’ai même apporté un bouquin pour passer agréablement le temps, mais je n’en aurais guère l’usage, les changements de matériel entre les groupes étant effectués avec une efficacité et une rapidité remarquables...
15h, on démarre avec l’excellente surprise que sera le set de O Terno (The Suit, comme ils disent eux-mêmes en présentant leur unique morceau en anglais) : cette réécriture de la MPB éternelle (Veloso semble une vraie influence) boostée par une rythmique swing et une guitare incandescente, souvent bluffante, se laisse écouter avec grand plaisir. Le chanteur - Tim Bernardes, retenons ce nom - a une vraie voix, les chansons tiennent la route autant mélodiquement qu'au niveau des textes, malins. On retiendra un drôle de Papa Francisco Perdoa Tom Zé, justement co-écrit avec le ludion Zé. ... Dommage qu'ils nous aient loupé leur sortie au bout de 40 minutes, avec une tentative ridicule de faire s'assoir le public (ils ne sont pas encore au niveau des Hives, quand même !) et un dernier morceau dilué et inconséquent. A suivre quand même !
Pour la suite... BNegão & Os Seletores de Frequência, du hip hop, je crains le pire... Et j'ai bien tort : d'abord c'est un vrai groupe, avec guitare, basse et batterie, et surtout cuivres, qui nous balance un funk lourd et... cuivré, sur lequel il est impossible de ne pas se laisser aller à danser. Bon, le phrasé est hip hop, mais on accordera bien volontiers aux Brésiliens le droit de revendiquer violemment en musique contre l'incurie des politiciens et le délabrement du pays. J'ai plus de sympathie pour les rappers d'ici que pour leurs pathétiques "frères" de nos banlieues qui se plaignent de la police française ! Un set bien sympathique donc, qui ronronne quand même un peu jusqu'à ce que, surprise, la musique prenne un virage hardcore pour le moins inattendu : dix minutes de jets de boulons qui, vous me connaissez, me réjouissent profondément. On termine par une « danse des petits canards » (Dança dos Patinhos) très spéciale, dans une bonne ambiance de rage. 45 minutes tout à fait satisfaisantes, en tenant compte des limites du genre.
On ne saurait attendre des miracles d'un groupe comme Travis, avec sa jolie musique un peu fade, middle of the road sans jamais être putassière - comme un Coldplay a pu le devenir par exemple... Pour le coup, les 85 minutes du set qu'ils ont offert à São Paulo, pour leur première visite en 17 ans de carrière, ont été au dessus de mes attentes, en dépit d'une balance médiocre et d'un son pas assez clair pour leur type de musique. Mais sinon, nous avons vu un groupe sympathique, professionnel mais généreux. Le long d'un set qui a alterné les morceaux plus mélodieux et acoustiques du dernier album (dont ils ont joué uniquement les quatre premiers titres, assez logiquement, s’agissant des seules quatre chansons vraiment excellentes de l’album, avec le magnifique Reminder en point d'orgue) et les tubes enlevés des débuts (en particulier du classique « The Man Who » qui a fourni principalement la matière aux trente dernières minutes), il a été difficile de ne pas trouver quelque part notre content.
Fran Healy – dont le look reste juvénile malgré les cheveux grisonnants emprisonnés sous un feutre - est venu au contact du public un long moment pendant Where You Stand, Dougie Payne, le bassiste facétieux, a distribué généreusement des sourires et des clins d'oeil aux jolies filles des premiers rangs (il est reparti avec au moins un numéro de téléphone sur un papier qu'on lui a fait parvenir), Andy Dunlop a joué à fond de sa guitare en gardant son pullover (Hein ?), de plus en plus rouge et au bord de l'apoplexie - le climat brésilien est sans doute un peu dur pour un Ecossais... Travis nous a quitté sur un Happy un peu lourdingue mais certainement sincère. Pas une goutte de génie là dedans, c’est certain, mais du rock bien écrit et bien joué. Pas si mal... ...
Surtout si on compare au calvaire (qui durera 1h10...) que va être le... "show" de Lana Del Rey, accueillie comme une méga star planétaire par un public brésilien littéralement en extase religieuse. Lana, en brune cette fois, est bien arrondie, voire alourdie : elle paraît enceinte, mais comme je ne suis pas la presse people, je ne saurais le confirmer... En tout cas, je lui souhaite qu’il s’agisse d’une grossesse, parce que, sinon, il faut qu’elle arrête le régime hamburgers. En tous cas, elle passe les dix premières minutes à recevoir les hommages des fans en pleurs au premier rang sur la droite, donc à l'opposé d'où je suis. Elle est en tenue très virginale, toute en blanc vaporeux, mais quand même court vêtue... et la voilà qui ressurgit couronnée de fleurs et enroulée dans un drapeau brésilien ! Pendant ce temps, les requins qui font du bruit au milieu de palmiers en pot (Paradise ?) derrière elle nous font patienter. Et alors Lana se met vraiment à... chanter... et pour tout dire, entre le niveau sonore bien trop bas (ce n'était pourtant pas le cas avec les groupes précédents !) et le fait que des milliers de personnes chantent toutes les paroles en même temps, on n'entend quasiment pas sa voix... Même si cette voix ne m’a paru aussi belle que sur disque, malheureusement.
Rapidement, je sens que ce truc tourne à la catastrophe... Mais bon presque tout le monde paraît juste content d'être là pour voir LA star... Du coup, même si j'aime beaucoup la musique de Lana Del Rey, je n'arrive pas à rentrer dans ce gros machin qui n'a rien à voir avec les valeurs qu'il me semble que Lana représentait à ses débuts. Je tue le temps en prenant des photos et en pestant contre les habituels "beautiful people" qui ont eu le droit, sans payer comme nous, d'envahir la zone de sécurité devant moi. Ah, le Brésil et sa fascination pour les rich and famous ! Bon, sur scène, Lana chante tous ses tubes, en les massacrant dans l'ensemble. J'ai un peu aimé Summertime Sadness, et la reprise de Knocking On Heaven's Door, mais c'est à peu près tout. Non, j’ai bien aimé aussi les habituels vidéo-clips de Lana projetés en fond de scène. Et je me suis senti aussi irrité par les commentaires à moitié stupides débités para Lana d’une voix enfantine (« girlish » comme ils disent) et timide entre ses chansons : est-elle réellement aussi bête qu’elle le paraissait à ces moments-là ? Et j'ai patienté en attendant que ça finisse. Et à la fin, Lana est redescendue voir ses fans, a signé des autographes, a posé pour les portables, et est finalement partie en laissant pas mal de jeunes gens littéralement en larmes. Incroyable !
Du coup, passablement frustré, je décide de rester voir Blur, qui n'est pas un groupe que j'aime beaucoup, mais je ne peux décemment pas terminer la journée sur un tel naufrage. Ce qui est sympa, c'est que la moitié du public, venue seulement pour Lana, est parti, et que la pression s'est relâchée autour de moi... la nuit est tombée, un peu de fraîcheur a remplacé la fournaise de l'après midi - enfin fournaise, je m'entends, ce n'est rien pour qui a fait des festivals l'été à Madrid ! Je me sens en forme même après sept heures debout, et j'ai comme à l'habitude regardé passer les corps inanimés par dizaines que les pompiers évacuaient. Rock'n'Roll motherf***r forever.
Quand Damon Albarn et Blur déboulent sur scène à 21h30 sur un irrésistible Girls and Boys, le soulagement est immédiat : non seulement le son est fort, clair et parfait, preuve que Lana se fout bien de son public, mais voilà des p'tits - plus tous - jeunes qui n'en veulent. Et Blur - dont je suis loin d'aimer toute la musique - va nous faire ce soir une pure démonstration de ce que doit être un concert de rock, un vrai : une heure et demie de MUSIQUE jouée avec enthousiasme, voire passion (c'est un bonheur de voir Graham Coxon avec sa guitare magique...), mélangeant en parfaite proportion les hits qui font chanter tout le monde (Country House en particulier) et les morceaux plus expérimentaux (ceux de « 13 »...) qui se terminent en général en un délicieux vacarme. Et les années ont encore peu marqué Albarn, qui de loin a toujours ce joli look qui faisait craquer les filles à l'époque de la Brit Pop. Sommet du concert quand même, le fantastique Tender, un morceau pas très « Blur classique », mais qui reste une vraie merveille, presque 15 années plus tard, avec son long final en sing along parfait pour la scène. La dernière demi-heure ne sera pas mal non plus, concentrée sur leur meilleur album à mon avis, « Parklife », avec en particulier un Park Life (la chanson, donc...) qui voit l'apparition improbable de Phil Daniels (lui, il a plutôt mal vieilli...) dans le "rap" célèbre du morceau. Le rappel sera impeccable avec entre autres The Universal et surtout Song 2, un petit punk rocker des familles, joué avec une rage folle pour nous mettre à genoux. Voilà, le marathon de musique est terminé, et Blur l'a emporté haut la main. Je ne sais pas si cette réformation répond à de simples nécessités financières, mais en tous cas, l'énergie du groupe est intacte. Il n’est pas tard, 23 heures seulement, c’est l’une des décisions intelligentes des organisateurs de ce festival ludique, clore les festivités alors que les métros circulentent encore. Pendant que des milliers de festivaliers repus envahissent les rues du « Champ de Mars » - il s’agit à São Paulo d’un aérodrome – je me dépêche pour attraper un taxi et rentrer à la maison, les jambes fourbues mais la tête pleine de bonne musique... »
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